Marguerite de Fénélon

Fleur rose sulfureux nuancé, grande, demi-pleine. Arbuste vigoureux. Jolie.

Pour les profanes indifférents, produire une belle rose nouvelle de plus, peut n'être pas une affaire ; mais pour les gens bien informés cela veut dire, sans contexte : savoir, patience et bonheur. Savoir, chacun le comprendra ; patience aussi, puisqu'il faut parfois jusqu'à dix années de soins entendus, pour obtenir un vrai succès. Bonheur, pour cela surtout il en faut. La reine des fleurs est coquette. Malgré son désir de plaire, elle fuit celui qui la cherche avec un talent féminin. Elle aussi, pour se donner, veut d'abord être conquise. Seulement à l'heure qui lui plaît, elle consent à paraître, sous de brillants attraits nouveaux. Voilà pourquoi 'faire des roses' est un art des plus estimés ; art difficile et subtil, réservé, presque toujours, à l'expérience approfondie, au tact particulier des chercheurs persévérants, des savants infatigables.
Parmi ces hommes spéciaux, nous citerons aujourd'hui, un nom des plus répandus, des plus vraiment sympathiques dans la haute horticulture, de lui de MM. Nabonnand Père et fils, du Golfe-Juan.
A la tête d'un établissement de premier ordre, merveilleusement situé sur un des plus beaux points du globe, et fondé vers 1830, par M. Nabonnand père, ces producteurs émérites comptent, à leur actif de semeurs, près de deux cents variétés de roses successivement découvertes, mises au commerce par eux, et figurant, pour la plupart, dans l'admirable série des 'thé'. Dans ce nombre d'obtentions, il existe une quantité notable de roses véritablement hors ligne, dignes de justifier amplement, la superbe moisson de lauriers, glanée dans les grandes expositions ; les hautes et nombreuses marques de distinctions honorifiques, méritées et obtenues par ces maîtres-rosiéristes.
Le Journal des Roses donne aujourd'hui la reproduction de ces gains heureux, sous le beau nom de 'Marguerite de Fénelon'.
Cette charmante fleur, classée parmi les 'thé' est issue, en 1884, de deux admirables roses obtenues aussi par MM. Nabonnand : 'Isabelle Nabonnand' et 'La Reine Emma des Pays-Bas'. Elle est grande, pleine et gracieuse ; presque toujours solitaire, bien présentée sur un pédoncule robuste et long. Sa facture, très personnelle, permet de la désigner comme un modèle parfait d'élégance. La nouveauté, la finesse de son joli coloris soufre brillant un peu rosé, très chaudement estompé, absolument inédit ; la forme particulière de son bouton allongé, la remarquable tenue de ses pétales érigés parsemés sur leur pourtour de touche de carmin vif ; l'apparente modestie qu'elle semble mettre à s'ouvrir pour s'épanouir ensuite dans sa splendeur toute entière, en font une fleur d'élite, une oeuvre d'art délicate, dont la place paraît être, un jour d'entrée dans le monde, au svelte et chaste corsage, dans les soyeux cheveux blonds d'une belle jeune fille.
Cette ravissante rose est 'quelqu'un' parmi les roses ; ses caractères, bien tranchés, lui éviteront toujours les injures de la confusion.
L'arbuste qui produit cette intéressante variété, est actuellement couvert de fleurs et de boutons, dans nos roseraies en plein champ. Il est vigoureux, remontant, généreusement florifère. Son bois est gaîment teinté d'un vert clair fort séduisant ; il est armé d'aiguillons droits, largement soudés à leur base ; ses rameaux de hauteur moyenne, sont trapus et divergents, faculté des plus heureuses pour former de beaux buissons. Son feuillage vert clair aussi, luxueusement vernissé, est très agréable à l'oeil.
Les réelles qualités, les charmes indiscutables, de fine et jolie rose 'Marguerite de Fénelon' méritaient certainement les honneurs de l'illustration, dans le sérieux organe français, si justement estimé et consulté, l'excellent 'Journal des Roses'.
L. Roussin, Saint-Nazaire-du-Var le 21 décembre 1889 [in ‘Journal des Roses’, janvier 1890]